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Pourquoi les journalistes ont enterré l’affaire Woerth

21/08/2010

L’enterrement de l’affaire de l’année en dit long sur le fonctionnement du journalisme.

Eric Woerth, vous vous souvenez ? Oui, ce ministre accusé d’avoir couvert une vaste fraude fiscale de la part de Lilliane Bettencourt ? Cette affaire où se joue la collusion de la justice avec les pouvoirs économiques et politiques. Après avoir animée les mois de juin et juillet, l’affaire Woerth-Bettencourt a fini au placard. Même si des soubresauts apparaissent ici et là. Il serait trop simpliste d’accuser la seule complaisance des journalistes envers l’Elysée. Ouvrons plutôt la boîte noire de la production médiatique.

Le journalisme aime tourner en rond. Sur X articles sur le même sujet,  il ne peut avoir qu’une source originale. Le reste n’est que de la reprise. C’est le cas avec le Woerthgate. Médiapart et quelques autres ont enquêté, leurs confrères ont repris leur infos en creusant un peu parfois. Les journalistes n’ont fait que suivre le même « fleuve » derrière quelques meneurs. Ici, Médiapart, dans d’autres cas les agences de presse. Mais les meneurs ont fini épuiser leurs infos et les suiveurs n’avaient plus rien à reprendre. L’affaire est oubliée.

Le dogme du « C’est dans l’actu »

Les journalistes sont alors suivi un autre « fleuve » : l’insécurité. Sarkozy a une forte capacité à déterminer l’agenda, ce qui est « dans l’actu ». Quand il parle, les agences de presse reprennent systématiquement puis les sites d’info… Vous connaissez la suite. L’Elysée se lance dans la surenchère de discours et d’informations pour éviter que les journalistes aillent en chercher eux-même. Sauf s’ils prennent le risque de sortir du « fleuve ». Mais il y a la loi du « C’est dans l’actu », la phrase magique pour légitimer n’importe quel sujet.

D’où le 3ième aspect. Dans les rédactions, il faut parfois se battre pour défendre l’intérêt de son sujet. Mais on peut avoir des ressources comme des collègues derrière soi. Le Woerthgate a en cela intéressé différents types de journalistes : spécialistes d’économie, de politique ou de l’investigation. Les passionnés de l’affaire n’étaient pas seuls. Et quand leurs collègues ont quitté le « fleuve » Woerth, ils n’avaient plus d’arguments, la loi du « C’est dans l’actu » les a tués.  Les journalistes et leur dogmes sont leurs propres fossoyeurs.

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  1. Chez Louise
    21/08/2010 à 14:18

    Analyse et regard très lucide sur le métier, Tefy.
    Reste à savoir ce que Médiapart et quelques autres ont encore sous le coude après leurs enquêtes? Et si ils vont décider de le « sortir », à quel moment?
    Reste aussi à savoir ce que va décider Courroye à la suite de ses 4 enquêtes. Là aussi, les réactions vont certainement être virulentes aux cas ou….
    Donc, apparemment oui, il y a tendance, dans les rédactions, à enterrer. Mais je crois que « le mort » pourrait réserver quelques surprises.

    • 21/08/2010 à 14:33

      Je crois que Médiapart ont déjà tout livré (enfin…) sauf à prendre un truc tiré par les cheveux… Si on ouvre encore un volet peut-être que cela va revenir, espérons….

  2. 21/08/2010 à 15:45

    Le pire dans l’affaire Woerth est que les gens sont dépités. C’est du genre « bien sûr qu’il a pris le fric, mais ils le font tous. »
    Les médias sont surpassés lorsque le peuple veut reprendre le contrôle de l’info (merci Internet).
    Triste France…

    • 21/08/2010 à 15:54

      Les gens et même certains journalistes sont dépités…

      • 23/08/2010 à 12:13

        Oui les journalistes sont des gens malgré tout 😀

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