Egypte, Tunisie… : la presse découvre que les Arabes sont des humains
Les mouvements en Afrique du Nord sont complexes. Trop, pour des journalistes limités au prisme occidental.
Pour nos journalistes, l’Homme arabe vient de rentrer dans l’Histoire. Après des siècles dans l’âge de pierre, il a presque égalé notre niveau de civilisation. En témoigne la « révolution » en Tunisie contre Ben Ali ou le mouvement populaire en Egypte. Bientôt, les Arabes seront de vrais démocrates et organiseront des primaires pour 2012. On rétorquera que c’est plus compliqué, que la démocratie ne se fait pas en un jour, sans parler du rôle des islamistes. Mais allez expliquer ça à un éditorialiste de base qui doit vendre du papier.
Expliquer les mouvements en cours en Afrique du Nord est ardu et peu commercial. Pour les pontes médiatiques, l’international est peu vendeur. Ils ont alors eu une idée : ne pas déstabiliser le lecteur, lui dire que l’étranger n’est pas si étrange. La presse ne va pas chercher chez l’autre sa complexité, des éléments liés à un certain contexte politique, économique ou sociologique mais ce qui le rapproche plus ou moins de nous. Comme si le prisme français pour ne pas dire occidental était le seul valable. Du pur ethnocentrisme.
Joffrin, ethnocentrique ?
Le choix d’un angle sur « la révolution par le Web » est typique de ce nombrilisme. Un angle déjà présent lors des manifestations du printemps 2009 en Iran. Nombre de journalistes se sont excités sur le rôle des blogs, de Twitter ou Facebook. Certes, le Net a sans doute été utile dans ces mouvements. Mais il ne constitue qu’un outil parmi d’autres, il ne dit rien des tenants et aboutissants du phénomène. Des révoltes ont existées avant Internet. Le seul intérêt de cet angle est de donner un aspect plus sexy à des évènements trop éloignés.
Le deuxième aspect est encore plus démonstratif. Il en devient même ridicule. Les mouvements d’Afrique du Nord ne seraient qu’une pâle copie d’évènements qui ont traversé l’Europe (enfin, le monde civilisé quoi). Les Arabes n’auraient fait que copier la chute du Mur de Berlin, la prise de la Bastille ou les Trois Glorieuses de 1830 (selon Joffrin). Une manière de dire que les Tunisiens sont cools mais qu’ils ont plus de 221 ans de retard sur nous. On pourrait y voir du mépris post-colonialiste ou du cynisme. Ou tout simplement de l’ignorance.
Journalisme : de la pensée au neurone unique
Le drame, ce n’est pas que les journalistes pensent la même chose, c’est qu’ils ne pensent rien du tout.
« L’info est un combat », beau slogan de Libération. Mais niveau combat, Libé reste ceinture blanche. Ses idoles ? Les stars médiatiques du moment : Hessel et son indignation à 3€ ou Cantona, le révolutionnaire des bacs à sable. Deux icônes sans fond pour un journalisme qui ne cesse de le toucher. Deux symboles pour une presse qui vend son âme à défaut de vendre des journaux. On répondra que c’est mieux que les Unes sur les Francs-maçons, qu’on devrait se réjouir de la persistance d’un journalisme engagé. Reste à savoir où.
Bel exemple avec un récent mouvement dans la presse. Laurent Joffrin, jusque là boss de Libé, serait à deux doigts de revenir au Nouvel Obs, magazine qu’il avait déjà dirigé de 1999 à 2006 après avoir fait plusieurs allers-retours entre les deux médias. Claude Perdriel, proprio du Nouvel Obs, et Edouard de Rothschild, celui de Libé, envisagent d’ailleurs une « collaboration » entre leurs deux titres. Ce qui concrétiserait le rêve de Perdriel de constituer un grand groupe médias de « centre-gauche » après avoir raté le rachat du Monde.
Les icônes plutôt que les idées
Car le Nouvel Obs et Libé incarnent la même pensée. Ou plutôt la même non-pensée, en témoignent les sempiternelles Unes sur les palmarès en tous genres de l’Obs. Les deux médias incarnent en cela cette même gauche molle qui préfère les icônes (Joly, DSK…) aux idées. Mais ce mouvement médiatique est transpartisan. Le Figaro, devenu un tract sarkozyste, a cessé d’être une avant-garde intellectuelle pour la droite. L’Obs et Libé ont fait et feront la même chose pour la gauche. Même si le PS ne les a pas attendus pour ça.
La presse d’opinion est morte. Elle tue le débat plutôt que de le créer. Le conformisme est encore plus dangereux quand il se drape du faux manteau de l’indignation Hesselienne ou de la rébellion Cantonesque. Les journalistes tombent dans la pensée bisounours en pensant vendre au plus grand monde. Mais au final, ils ne parlent plus à personne, le public ne voyant plus d’intérêt à acheter une presse qui dit partout la même chose. C’est le fast-food médiatique, sans goût et standardisé. Que Libé embauche Bigard et ce sera aussi gras.
Le principal défaut de Ségolène Royal, c’est le PS
Après son échec de 2007, Ségolène veut rempiler. Il lui reste à s’affranchir des boulets de Solférino.
Est-ce du comique de répétition ? Ségolène Royal vient de se lancer dans la course aux primaires du PS. Elle a pris de vitesse Aubry et DSK. Les candidatures de Montebourg, Valls ou Hollande sont déjà ringardisées. Depuis son échec en 2007, on se demandait si elle était toujours en course, si elle n’avait pas perdu trop d’amis. Elle a voulu prouver qu’elle était toujours présente, joli coup médiatique. Pensant que DSK ne peut rassembler la gauche et qu’Aubry n’est pas assez charismatique, Royal croit en elle. Mais pour défendre quoi ?
Le ségolénisme est fondé, entre autres, sur un postulat : les partis politiques classiques sont has been. Ils sont devenus des carcans, des barrières entre les élites et le peuple. Chose qui a poussé Royal à promouvoir les primaires ouvertes. Si l’efficacité de son remède reste à prouver, son diagnostic est bon. Le PS parle au PS mais pas au peuple. Sa pensée est paralysée par les conflits de personnes et les logiques de courants. Le « pacte » proposé par Aubry avec Royal et DSK montre que ses élites cherchent encore à verrouiller le parti.
La patrie ou le parti ?
Là est le problème. Royal a du mal avec la logique intrapartisane alors que les élites solférinesques aiment la petite cuisine de fin de Congrès. La ligne Royal, c’est parler aux gens pas aux courants du PS. Sur son versant négatif, cette stratégie peut se limiter à des coups médiatiques voire de la démagogie. Sur son versant positif, elle peut aller chercher les voix qu’il manque au parti. Celles des électeurs ne se reconnaissant pas forcément dans le PS ni même dans la gauche mais qui cherchent une alternative au monde tel qu’il est.
Sur plusieurs thèmes, Royal a su s’affranchir des dogmes de son parti. Notamment sur la sécurité. Mais le processus des primaires va compliquer les choses. Elle sait que jouer la rebelle est rentable médiatiquement mais pas politiquement. Les règles du PS vont s’imposer à elle qu’elle le veuille ou non. Alors elle tente de jouer la meilleure copine d’Aubry, elle annonce que DSK ferait un bon Premier ministre. Ségolène a le cul entre deux chaises : le peuple et le PS. Ses vrais adversaires, ils sont plus à Solférino qu’à l’Elysée.
Il n’y a plus d’Etat RPR, juste un Etat Sarkozy
Le chef de l’Etat n’est pas revenu aux fondamentaux du RPR. Il a concrétisé leur abandon.
C’est la phrase du remaniement : « le retour de l’Etat RPR ». Avec la fin de « l’ouverture », le retour de Juppé, l’éjection de Morin et Borloo, la gauche, les centristes et les éditorialistes ont tous dénoncé ce verrouillage du gouvernement. Dans la perspective de 2012, on aurait pu croire que Sarkozy cherche à retrouver ses « fondamentaux », à galvaniser son électorat plutôt qu’à chercher des voix qu’il n’obtiendra jamais. Après le Président « calme et posé », c’est le Président « bien à droite » qui est ressorti des analyses post-remaniement. Foutaises.
Il n’y a plus d’Etat RPR, il y a juste un Etat Sarkozy comme dirait l’autre. Faire référence au RPR, c’est évoquer une génération (les chiraquiens) et un courant d’idées (le néo-gaullisme). Sarkozy n’est rattaché ni à l’un ni à l’autre. Le Karachigate prouve, s’il en était besoin, qu’il y a toujours une guerre entre chiraco-villepinistes et sarko-balladuriens. Pour le reste, la Sarkozie n’a aucune idée. C’est juste un club de fans avec pour seule conviction la dévotion à un leader. Elle n’a rien à voir avec les fondamentaux du bon vieux RPR.
Sarkozy, l’anti-gaulliste
Par exemple, sur l’idée de souveraineté. Sarkozy préfère tisser des relations militaires avec l’Angleterre au détriment de l’Allemagne et de l’Europe. Au Sommet de l’OTAN, il a validé la création d’un bouclier anti-missiles… sous la coupe des USA. Il y avait au cœur du gaullisme et, dans une moindre mesure, du néo-gaullisme de Chirac, un attachement aux valeurs de souveraineté, à « une certaine idée de la France ». Une idée sans doute réac mais plus crédible que feu « l’Identité nationale ». Et qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pas grand chose.
Idem sur la sécurité. Le dada et le plus grand fiasco de Sarkozy. Il brandira de belles statistiques officielles mais on sait ce qu’elles valent. Il faut désormais des drames, comme à Marseille, pour qu’il lâche ici et là plus de moyens humains pour la police. Pour faire peur aux délinquants et attirer les caméras, Sarkozy brandit sa matraque comme d’autres leur sabre de bois. Mais ailleurs, les flics restent soumis aux baisses d’effectifs. Si on est de gauche, on veut naturellement virer Sarkozy en 2012. Si on est de droite, on devrait y réfléchir.
La carte de presse ne protège pas de la répression, ni de la connerie
Sarkozy espionnerait des journalistes. La profession joue faussement les remparts de la démocratie.
Vous n’avez pas pu y échapper. Les différentes affaires d’espionnage de journalistes agitent les médias en ce moment. Le Canard Enchaîné et Médiapart se sont plaints d’être traqués par la DCRI qui chercherait à identifier leurs sources. De mystérieux vols d’ordinateurs ont frappé les journalistes couvrant l’affaire Bettencourt au Point, à Médiapart et au Monde. Certains, comme le Canard Enchaîné, voient la main de Sarkozy derrière la DCRI. De son côté, Squarcini, patron du service, veut porter plainte contre Le Canard.
Claude Guéant a aussi répliqué. Le secrétaire général de l’Elysée a été accusé par Médiapart de piloter la surveillance des journalistes. Il veut aussi porter plainte. Une menace qui ne fait pas peur à Edwy Plenel, patron du site. « Un procès serait une bonne occasion de défendre la liberté de l’information face à un pouvoir qui n’a cessé de la piétiner », a-t-il déclaré à l’AFP. Mais la déclaration la plus choc est venue d’Anne « Mme DSK » Sinclair, journaliste de profession, hier au Grand Journal : « Si c’est vrai (ces espionnages), c’est choquant ».
« On n’est pas comme les autres »
On en pleurait presque. Ces affaires ont permis à toute une profession de jouer les chevaliers blancs de la liberté d’expression avec Plenel en égérie. Le flicage, l’abus de pouvoir, c’est grave mais c’est encore pire quand on touche à un journaliste. M. Michu arrêté par la police, ça ne fera pas forcément du bruit. S’il est journaliste, ça fera les gros titres. La plèbe peut se faire matraquer en douce mais pas un journaliste. Parce qu’« on n’est pas comme les autres ». Visiblement, la carte de presse ne protège pas de la répression. Ni de la connerie.
Pour le journaliste, son métier ne le met pas au service du collectif, il l’en distingue. Il pense que sa carte de presse fait de lui le meilleur voire le seul rempart de la Démocratie. Quand Mélenchon critique la presse, il commet donc une atteinte aux droits de l’Homme. La corporation s’érige ainsi en nouvelle noblesse avec les privilèges adéquats. Un égocentrisme qui éloigne le journalisme de toute auto-critique. Cette noblesse revisitée, à trop se regarder le nombril, en oublie ses propres failles. A quand un nouveau 14 juillet ?
Casse-toi pauv’ Cohn-Bendit !
Dany va devenir chroniqueur sportif. En attendant une salutaire retraite politique en 2013.
Si l’imposture avait un nom, elle s’appellerait Daniel Cohn-Bendit. L’ex-leader de mai 68, aussi crédible comme homme de gauche que Quick qui fait dans le bio, a trouvé un nouveau boulot. Il s’apprête à devenir chroniqueur football pour Canal+ dès janvier 2011. La chaîne cryptée était toute désignée pour lui. Se présentant comme impertinente, Canal+ sert la même soupe et la même complaisance que le diable TF1. Cohn-Bendit relève de la même logique. Vu comme un des pires ennemis de Sarkozy, il n’est que son idiot utile.
Et ce n’est pas un hasard, si Dany adore Rama Yade et parie « qu’elle atterrira à Europe Ecologie ». Ils étaient d’ailleurs à la une des Inrocks la semaine dernière. On aurait pu les croire adversaires, ils ont le même goût pour l’imposture. Cohn-Bendit se veut anti-Sarko mais « on ne (lui) fera jamais avaler qu’en réclamant la retraite à 60 ans, on est de gauche, et qu’en la portant à 62 ans, on est ultraréac ». De son côté, Yade joue la rebelle… mais reste au gouvernement. Un beau duo, les Bonnie and Clyde de l’arnaque politique.
Pseudo écologiste
Cohn-Bendit se veut écolo ? Mais de quelle écologie parle-t-on ? En août dernier, il disait dans 20 Minutes : « On peut parler de transformation écologique de la société, mais on a besoin d’entreprises qui la prennent en charge ». Toute la pensée Cohn-Benditienne résumée en une phrase. On ne sauvera pas la planète en mettant le chauffage à 19°, on le fera en changeant de modèle de production, en rompant avec la croissance à tout prix. C’est la transformation écologique qui doit prend en charge les entreprises et non le contraire.
Cette pseudo-écologie n’est pas biodégradable. Elle survivra à la retraite politique de Dany. Il a annoncé la fin de sa carrière « en avril 2013 » mais a déjà trouvé une héritière. C’est Eva Joly, autre grande imposture. Sa référence, c’est le Code Pénal pas Germinal. Comme Cohn-Bendit, elle est devenue une icône médiatique. On lui prête des intentions présidentielles, elle tape sur Sarkozy dans tous les sens. Dany disait : « Europe Ecologie doit apprendre à vivre sans moi ». Sans lui peut-être, mais sans ses idées, ça serait encore mieux.
Ils l’ont dit